はじめによんでください

フランツ・ファノン「人種主義と文化」を

琉球コロニアリズムの分析に流用する

Ryukyu Colonialism and Frantz Fanon

池田光穂

☆ フランツ・ファノン『アフリカ革命にむけて(Pour la révolution africaine ; Écrits politique)』の第二部(あるいは第二章)にある「人種主義と文化(Racisme et culture)」を、琉球人民へのコロニアリズムの行使として再読する。

★クレジット:「フランツ・ファノン「人種主義と文化」を琉球コロニアリズムの分析に流用する」

La réflexion sur la valeur normative de certaines cultures décrétée unilatéralement mérite de retenir l’attention. L’un des paradoxes rapi-dement rencontré est le choc en retour de définitions égocentristes, sociocentristes.
Est affirmée d’abord l’existence de groupes humains sans culture ; puis de cultures hiérarchisées ; enfin la notion de relativité culturelle.
De la négation globale à la reconnaissance singulière et spécifique. C’est précisément cette histoire morcelée et sanglante qu’il nous faut esquisser au niveau de l’anthropologie culturelle.
Il existe, pouvons-nous dire, certaines constellations d’institutions, vécues par des hommes déterminés, dans le cadre d’aires géogra-phiques précises qui à un moment donné ont subi l’assaut direct et bru-tal de schèmes culturels différents. Le développement technique, gé-néralement élevé, du groupe social ainsi apparu l’autorise à installer une domination organisée. L’entreprise de déculturation se trouve être le négatif d’un plus gigantesque travail d’asservissement économique voire biologique.
La doctrine de la hiérarchie culturelle n’est donc qu’une modalité de la hiérarchisation systématisée poursuivie de façon implacable.
La théorie moderne de l’absence d’intégration corticale des peuples coloniaux en est le versant anatomo-physiologique. L’apparition du ra-cisme n’est pas fondamentalement déterminante. Le racisme n’est pas un tout mais l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d’une structure donnée.
Étudier les rapports du racisme et de la culture c’est se poser la question de leur action réciproque. Si la culture est l’ensemble des comportements moteurs et mentaux né de la rencontre de l’homme avec la nature et avec son semblable on doit dire que le racisme est bel et bien un élément culturel. [40] Il y a donc des cultures avec ra-cisme et des cultures sans racisme.
Cet élément culturel précis ne s’est cependant pas enkysté. Le ra-cisme n’a pas pu se scléroser. Il lui a fallu se renouveler, se nuancer, changer de physionomie. Il lui a fallu subir le sort de l’ensemble cultu-rel qui l’informait.
Le racisme vulgaire, primitif, simpliste prétendait trouver dans le biologique, les Ecritures s’étant révélées insuffisantes la base maté-rielle de la doctrine. Il serait fastidieux de rappeler les efforts en-trepris alors : forme comparée du crâne, quantité et configuration des sillons de l’encéphale, caractéristiques des couches cellulaires de l’écorce, dimensions des vertèbres, aspect microscopique de l’épiderme, etc...
Le primitivisme intellectuel et émotionnel apparaissait comme une conséquence banale, une reconnaissance d’existence.
De telles affirmations, brutales et massives, cèdent la place à une argumentation plus fine. Ça et là toutefois se font jour quelques ré-surgences. C’est ainsi que la « labilité émotionnelle du Noir », « l’intégration sous-corticale de l’Arabe » « la culpabilité quasi généri-que du Juif » sont des données que l’on retrouve chez quelques écri-vains contemporains. La monographie de J. Carothers, par exemple, patronnée par l’O.M.S. fait état à partir d’« arguments scientifiques » d’une lobotomie physiologique du Noir d’Afrique.
Ces positions séquellaires tendent en tous cas à disparaître. Ce ra-cisme qui se veut rationnel, individuel, déterminé génotypique et phé-notypique se transforme en racisme culturel. L’objet du racisme n’est plus l’homme particulier mais une certaine forme d’exister. A l’extrême on parle de message, de style culturel. Les « valeurs occidentales » rejoignent singulièrement le déjà célèbre appel à la lutte de la « croix contre le croissant ».
Certes l’équation morphologique n’a pas disparu totalement, mais les événements des trente dernières années ont ébranlé les convictions les plus encapsulées, bouleversé l’échiquier, restructuré un grand nombre de rapports.
Le souvenir de nazisme, la commune misère d’hommes différents, le commun asservissement de groupes sociaux importants, l’apparition de « colonies européennes » c’est-à-dire l’institution d’un régime colonial en pleine terre d’Europe, la prise de conscience des travailleurs des pays colonisateurs et [41] racistes, l’évolution des techniques, tout cela a modifié profondément l’aspect du problème.
Il nous faut chercher, au niveau de la culture, les conséquences de ce racisme.
Le racisme, nous l’avons vu, n’est qu’un élément d’un plus vaste en-semble : celui de l’oppression systématisée d’un peuple. Comment se comporte un peuple qui opprime ? Ici des constantes sont retrouvées.
On assiste à la destruction des valeurs culturelles, des modalités d’existence. Le langage, l’habillement, les techniques sont dévalorisées. Comment rendre compte de cette constante ? Les psychologues qui ont tendance à tout expliquer par des mouvements de l’âme, préten-dent retrouver ce comportement au niveau des contacts entre particu-liers : critique d’un chapeau original, d’une façon de parler, de mar-cher...
De pareilles tentatives ignorent volontairement le caractère incom-parable de la situation coloniale. En réalité les nations qui entrepren-nent une guerre coloniale ne se préoccupent pas de confronter des cultures. La guerre est une gigantesque affaire commerciale et toute perspective doit être ramenée à cette donnée. L’asservissement, au sens le plus rigoureux, de la population autochtone est la première né-cessité.
Pour cela il faut briser ses systèmes de référence. L’expropriation, le dépouillement, la razzia, le meurtre objectif se doublent d’une mise à sac des schèmes culturels ou du moins conditionnent cette mise à sac. Le panorama social est destructuré, les valeurs bafouées, écrasées, vidées.
Les lignes de forces, écroulées, n’ordonnent plus. En face un nouvel ensemble, imposé, non pas proposé mais affirmé, pesant de tout son poids de canons et de sabres.
La mise en place du régime colonial n’entraîne pas pour autant la mort de la culture autochtone. Il ressort au contraire de l’observation historique que le but recherché est davantage une agonie continuée qu’une disparition totale de la culture pré-existante. Cette culture, autrefois vivante et ouverte sur l’avenir, se ferme, figée dans le sta-tut colonial, prise dans le carcan de l’oppression. A la fois présente et momifiée elle atteste contre ses membres. Elle les définit en effet sans appel. La momification culturelle entraîne une momification de la pensée individuelle. L’apathie si universellement signalée des peuples coloniaux n’est que la conséquence logique de cette opération. Le re-proche de l’inertie constamment adressé [42] à « l’indigène » est le comble de la mauvaise foi. Comme s’il était possible à un homme d’évoluer autrement que dans le cadre d’une culture qui le reconnaît et qu’il décide d’assumer.
C’est ainsi que l’on assiste à la mise en place d’organismes ar-chaïques, inertes, fonctionnant sous la surveillance de l’oppresseur et calqués caricaturalement sur des institutions autrefois fécondes...
Ces organismes traduisent apparemment le respect de la tradition, des spécificités culturelles, de la personnalité du peuple asservi. Ce pseudo respect s’identifie en fait au mépris le plus conséquent, au sa-disme le plus élaboré. La caractéristique d’une culture est d’être ou-verte, parcourue de lignes de force spontanées, généreuses, fécondes. L’installation « d’hommes sûrs » chargés d’exécuter certains gestes est une mystification qui ne trompe personne. C’est ainsi que les dje-maas Kabyles nommées par l’autorité française ne sont pas reconnues par les autochtones. Elles sont doublées d’une autre djemaa élue dé-mocratiquement. Et naturellement la deuxième dicte la plupart du temps sa conduite à la première.
Le souci constamment affirmé de « respecter la culture des popu-lations autochtones » ne signifie donc pas la prise en considération des valeurs portées par la culture, incarnées par les hommes. Bien plutôt on devine dans cette démarche une volonté d’objectiver, d’encapsuler, d’emprisonner, d’enkyster. Des phrases telles que : « je les connais », « ils sont comme cela » traduisent cette objectivation maximum réus-sie. Ainsi je connais les gestes, les pensées qui définissent ces hommes.
L’exotisme est une des formes de cette simplification. Dès lors, aucune confrontation culturelle ne peut exister. Il y a d’une part une culture à qui l’on reconnaît des qualités de dynamisme, d’épanouissement, de profondeur. Une culture en mouvement, en per-pétuel renouvellement. En face on trouve des caractéristiques, des curiosités, des choses, jamais une structure.
Ainsi dans une première phase l’occupant installe sa domination, af-firme massivement sa supériorité. Le groupe social, asservi militaire-ment et économiquement est déshumanisé selon une méthode polydi-mensionnelle.
Exploitation, tortures, razzias, racisme, liquidations collectives, op-pression rationnelle se relayent à des niveaux différents [43] pour littéralement faire de l’autochtone un objet entre les mains de la na-tion occupante.
Cet homme objet, sans moyens d’exister, sans raison d’être, est brisé, au plus profond de sa substance. Le désir de vivre, de continuer, se fait de plus en plus indécis, de plus en plus fantomatique. C’est à ce stade qu’apparaît le fameux complexe de culpabilité. Wright dans ses premiers romans en donne une description très détaillée.
Progressivement cependant, l’évolution des techniques de produc-tion, l’industrialisation, d’ailleurs limitée, des pays asservis, l’existence de plus en plus nécessaire de collaborateurs, imposent à l’occupant une nouvelle attitude. La complexité des moyens de production, l’évolution des rapports économiques entraînant bon gré mal gré celle des idéolo-gies, déséquilibrent le système. Le racisme vulgaire dans sa forme bio-logique correspond à la période d’exploitation brutale des bras et des jambes de l’homme. La perfection des moyens de production provoque fatalement le camouflage des techniques d’exploitation de l’homme, donc des formes du racisme.
Ce n’est donc pas à la suite d’une évolution des esprits que le ra-cisme perd de sa virulence. Nulle révolution intérieure n’explique cette obligation pour le racisme de se nuancer, d’évoluer. De partout des hommes se libèrent bousculant la léthargie à laquelle oppression et racisme les avaient condamnés.
En plein cœur des « nations civilisatrices » les travailleurs décou-vrent enfin que l’exploitation de l’homme, base d’un système, emprunte des visages divers. À ce stade le racisme n’ose plus sortir sans fards. Il se conteste. Le raciste dans un nombre de plus en plus grand de cir-constances se cache. Celui qui prétendait les « sentir », les « deviner » se découvre visé, regardé, jugé. Le projet du raciste est alors un pro-jet hanté par la mauvaise conscience. Le salut ne peut lui venir que d’un engagement passionnel tel qu’on en rencontre dans certaines psychoses. Et ce n’est pas l’un des moindres mérites du Professeur Baruk que d’avoir précisé la sémiologie de ces délires passionnels.
Le racisme n’est jamais un élément surajouté découvert au hasard d’une recherche au sein des données culturelles d’un groupe. La cons-tellation sociale, l’ensemble culturel sont profondément remaniés par l’existence du racisme.
On dit couramment que le racisme est une plaie de l’humanité. Mais il ne faut se satisfaire d’une telle phrase. Il faut [44] inlassablement rechercher les répercussions du racisme à tous les niveaux de sociabi-lité. L’importance du problème raciste dans la littérature américaine contemporaine est significative. Le nègre au cinéma, le nègre et le fol-klore, le juif et les histoires pour enfants, le juif au bistrot, sont des thèmes inépuisables.
Le racisme, pour revenir à l’Amérique, haute et vicie la culture américaine. Et cette gangrène dialectique est exacerbée par la prise de conscience et la volonté de lutte de millions de noirs et de juifs visés par ce racisme.
Cette phase passionnelle, irrationnelle, sans justification, présente à l’examen un visage effrayant. La circulation des groupes, la libération, dans certaines parties du monde d’hommes antérieurement infériori-sés, rendent de plus en plus précaire l’équilibre. Assez inattendûment le groupe raciste dénonce l’apparition d’un racisme chez les hommes opprimés. Le « primitivisme intellectuel » de la période d’exploitation fait place au « fanatisme moyen-âgeux, voire préhistorique » de la pé-riode de libération.
À un certain moment on avait pu croire à la disparition du racisme. Cette impression euphorisante, déréelle, était simplement la consé-quence de l’évolution des formes d’exploitation. Les psychologues par-lent alors d’un préjugé devenu inconscient. La vérité est que la rigueur du système rend superflue l’affirmation quotidienne d’une supériorité. La nécessité de faire appel à des degrés divers à l’adhésion, à la colla-boration de l’autochtone modifie les rapports dans un sens moins bru-tal, plus nuancé, plus « cultivé ». Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ap-paraître à ce stade une idéologie « démocratique et humaine ». L’entreprise commerciale d’asservissement, de destruction culturelle cède le pas progressivement à une mystification verbale.
L’intérêt de cette évolution c’est que le racisme est pris comme thème de méditation, quelquefois même comme technique publicitaire.
C’est ainsi que le blues « plainte des esclaves noirs » est présenté à l’admiration des oppresseurs. C’est un peu d’oppression stylisée qui re-vient à l’exploitant et au raciste. Sans oppression et sans racisme pas de blues. La fin du racisme sonnerait le glas de la grande musique noire...
Comme dirait le trop célèbre Tomynbee, le blues est une réponse de l’esclave au défi de l’oppression.
[45]
Actuellement encore, pour beaucoup d’hommes, même de couleur, la musique d’Armstrong n’a de véritable sens que dans cette perspective.
Le racisme boursouffle et défigure le visage de la culture qui le pratique. La littérature, les arts plastiques, les chansons pour midi-nettes, les proverbes, les habitudes, les patterns, soit qu’ils se propo-sent d’en faire le procès ou de le banaliser, restituent le racisme. C’est dire qu’un groupe social, un pays, une civilisation, ne peuvent être ra-cistes inconsciemment.
Nous le disons encore une fois, le racisme n’est pas une découverte accidentelle. Ce n’est pas un élément caché, dissimulé. Il n’est pas exi-gé d’efforts surhumains pour le mettre en évidence.
Le racisme crève les yeux car précisément il entre dans un en-semble caractérisé : celui de l’exploitation éhonté d’un groupe d’hommes par un autre parvenu à un stade de développement technique supérieur. C’est pourquoi l’oppression militaire et économique précède la plupart du temps, rend possible, légitime le racisme.
L’habitude de considérer le racisme comme une disposition de l’esprit, comme une tare psychologique doit être abandonnée.
Mais l’homme visé par ce racisme, le groupe social asservi, exploité, désubstantialité, comment se comportent-ils ? Quels sont leurs méca-nismes de défense ?
Quelles attitudes découvrons-nous ici ?
Dans une première phase on a vu l’occupant légitimer sa domination par des arguments scientifiques, la « race inférieure » se nier en tant que race. Parce que nulle autre solution ne lui est laissée, le groupe social racialisé essaie d’imiter l’oppresseur et par là de se déracialiser. La « race inférieure » se nie en tant que race différente. Elle partage avec la « race supérieure » les convictions, doctrines, et autres atten-dus la concernant.
Ayant assisté à la liquidation de ses systèmes de référence à l’écroulement de ses schèmes culturels il ne reste plus à l’autochtone qu’à reconnaître avec l’occupant que « Dieu n’est pas de son côté ». L’oppresseur, par le caractère global et effrayant de son autorité en arrive à imposer à l’autochtone de nouvelles façons de voir, singulière-ment un jugement péjoratif à l’égard de ses formes originales d’exister.
[46]
Cet événement désigné communément aliénation est naturellement très important. On le trouve dans les textes officiels sous le nom d’assimilation.
Or cette aliénation n’est jamais totalement réussie. Soit parce que l’oppresseur quantitativement et qualitativement limite l’évolution, des phénomènes imprévus, hétéroclites, font leur apparition.
Le groupe infériorisé avait admis, la force de raisonnement étant implacable, que ses malheurs procédaient directement de ses caracté-ristiques raciales et culturelles.
Culpabilité et infériorité sont les conséquences habituelles de cette dialectique. L’opprimé tente alors d’y échapper d’une part en proclamant son adhésion totale et inconditionnelle aux nouveaux mo-dèles culturels, d’autre part en prononçant une condamnation irréver-sible de son style culturel propre  .
Pourtant la nécessité pour l’oppresseur, à un moment donné, de dis-simuler les formes d’exploitation, n’entraîne pas la disparition de cette dernière. Les rapports économiques plus élaborés, moins grossiers, exigent un revêtement quotidien mais l’aliénation à ce niveau demeure épouvantable.
Ayant jugé, condamné, abandonné ses formes culturelles, son lan-gage, son alimentation, ses démarches sexuelles, sa façon de s’asseoir, de se reposer, de rire, de se divertir, l’opprimé, avec l’énergie et la ténacité du naufragé se rue sur la culture imposée.
Développant ses connaissances techniques au contact de machines de plus en plus perfectionnées, entrant dans le circuit dynamique de la production industrielle, rencontrant des hommes de régions éloignées dans le cadre de la concentration des capitaux donc des lieux de tra-vail, découvrant la chaîne, l’équipe, le « temps » de production, c’est-à-dire le rendement à l’heure, l’opprimé constate comme un scandale, le maintien à son égard, du racisme et du mépris.
[47]
C’est à ce niveau que l’on fait du racisme une histoire de personnes. « Il existe quelques racistes indécrottables mais avouez que dans l’ensemble la population aime... »
Avec le temps tout cela disparaîtra.
Ce pays est le moins raciste...
Il existe à l’O.N.U. une commission chargée de lutter contre le ra-cisme.
Des films sur le racisme, des poèmes sur le racisme, des messages sur le racisme...
Les condamnations spectaculaires et inutiles du racisme. La réalité est qu’un pays colonial est un pays raciste. Si en Angleterre, en Bel-gique ou en France, en dépit des principes démocratiques affirmés par ces nations respectives, il se trouve encore des racistes, ce sont ces racistes qui, contre l’ensemble du pays, ont raison.
Il n’est pas possible d’asservir des hommes sans logiquement les in-férioriser de part en part. Et le racisme n’est que l’explication émo-tionnelle, affective, quelquefois intellectuelle de cette infériorisation.
Le raciste dans une culture avec racisme est donc normal. L’adéquation des rapports économiques et de l’idéologie est chez lui parfaite. Certes l’idée que l’on se fait de l’homme n’est jamais totale-ment dépendante des rapports économiques c’est-à-dire, ne l’oublions pas, des rapports existant historiquement et géographiquement entre les hommes et les groupes. Des membres de plus en plus nombreux ap-partenant à des sociétés racistes prennent position. Ils mettent leur vie au service d’un monde où le racisme serait impossible. Mais ce recul, cette abstraction cet engagement solennel ne sont pas à la portée de tous. On ne peut exiger sans dommage qu’un homme soit contre les « préjugés de son groupe ».
Or, redisons-le, tout groupe colonialiste est raciste.
À la fois « acculturé » et déculturé l’opprimé continue à buter con-tre le racisme. Il trouve illogique cette séquelle. Inexplicable ce qu’il a dépassé, sans motif, inexact. Ses connaissances, l’appropriation de techniques précises et compliquées, quelquefois sa supériorité intel-lectuelle eu égard à un grand nombre de racistes, l’amènent à qualifier le monde raciste de passionnel. Il s’aperçoit que l’atmosphère raciste imprègne tous les éléments de la vie sociale. Le sentiment d’une injus-tice accablante est alors très vif. Oubliant le racisme-conséquence on s’acharne sur le racisme-cause. Des campagnes de [48]
désintoxication sont entreprises. On fait appel au sens de l’humain, à l’amour, au respect des valeurs suprêmes...
En fait le racisme obéit à une logique sans faille. Un pays qui vit, tire sa substance de l’exploitation de peuples différents, infériorise ces peuples. Le racisme appliqué à ces peuples est normal.
Le racisme n’est donc pas une constante de l’esprit humain.
Il est, nous l’avons vu, une disposition inscrite dans un système dé-terminé. Et le racisme juif n’est pas différent du racisme noir. Une société est raciste ou ne l’est pas. Il n’existe pas de degrés du racisme. Il ne faut pas dire que tel pays est raciste mais qu’on n’y trouve pas de lynchages ou de camps d’extermination. La vérité est que tout cela et autre chose existe en horizon. Ces virtualités, ces latences circulent dynamiques, prises dans la vie des relations psycho-affectives, écono-miques...
Découvrant l’inutilité de son aliénation, l’approfondissement de son dépouillement, l’infériorisé, après cette phase de déculturation, d’extranéisation, retrouve ses positions originales.
Cette culture, abandonnée, quittée, rejetée, méprisée, l’infériorisé s’y engage avec passion. Il existe une surenchère très nette s’apparentant psychologiquement au désir de se faire pardonner.
Mais derrière cette analyse simplifiante il y a bel et bien l’intuition par l’infériorisé d’une vérité spontanée apparue. Cette histoire psycho-logique débouche sur l’Histoire et sur la Vérité.
Parce que l’infériorisé retrouve un style autrefois dévalorisé on as-siste à une culture de la culture. Une telle caricature de l’existence culturelle signifierait s’il en était besoin que la culture se vit mais ne se morcelle pas. Elle ne se met pas entre lame et lamelle.
Cependant l’opprimé s’extasie à chaque redécouverte. L’émerveillement est permanent. Autrefois émigré de sa culture, l’autochtone l’explore aujourd’hui avec fougue. Il s’agit alors d’épousailles continuées. L’ancien infériorisé est en état de grâce.
Or, on ne subit pas impunément une domination. La culture du peu-ple asservi est sclérosée, agonisante. Aucune vie n’y circule. Plus préci-sément la seule vie existante est dissimulée. La population qui norma-lement assume çà et là quelques [49] morceaux de vie, qui maintient des significatives dynamiques aux institutions est une population ano-nyme. En régime colonial ce sont les traditionalistes.
L’ancien émigré, par l’ambigüité soudaine de son comportement in-troduit le scandale. À l’anonymat du traditionaliste il oppose un exhibi-tionnisme véhément et agressif.
État de grâce et agressivité sont deux constantes retrouvées à ce stade. L’agressivité étant le mécanisme passionnel permettant d’échapper à la morsure du paradoxe.
Parce que l’ancien émigré possède des techniques précises, parce que son niveau d’action se situe dans le cadre de rapports déjà com-plexes, ces retrouvailles revêtent un aspect irrationnel. Il existe un fossé, un écart entre le développement intellectuel, l’appropriation technique, les modalités de pensée et de logique hautement différen-ciées et une base émotionnelle « simple, pure », etc...
Retrouvant la tradition, la vivant comme mécanisme de défense, comme symbole de pureté, comme salut, le déculturé laisse l’impression que la médiation se venge en se substantialisant. Ce reflux sur des positions archaïques sans rapport avec le développement tech-nique est paradoxal. Les institutions ainsi valorisées ne correspondent plus aux méthodes élaborées d’action déjà acquises.
La culture encapsulée, végétative, depuis la domination étrangère est revalorisée. Elle n’est pas repensée, reprise, dynamisée de l’intérieur. Elle est clamée. Et cette revalorisation d’emblée, non structurée, verbale, recouvre des attitudes paradoxales.
C’est à ce moment qu’il est fait mention du caractère indécrottable des infériorisés. Les médecins arabes dorment par terre, crachent n’importe où, etc...
Les intellectuels noirs consultent le sorcier avant de prendre une décision, etc...
Les intellectuels « collaborateurs » cherchent à justifier leur nou-velle attitude. Les coutumes, traditions, croyances. autrefois niées et passées sous silence sont violemment valorisées et affirmées.
La tradition n’est plus ironisée par le groupe. Le groupe ne se fuit plus. On retrouve le sens du passé, le culte des ancêtres...
Le passé, désormais constellation de valeurs, s’identifie à la Vérité.
[50]
Cette redécouverte, cette valorisation absolue d’allure quasi dé-réelle, objectivement indéfendable, revêt une importance subjective incomparable. Au sortir de ces épousailles passionnées, l’autochtone aura décidé, en « connaissance de cause », de lutter contre toutes les formes d’exploitation et d’aliénation de l’homme. Par contre l’occupant à cette époque multiplie les appels à l’assimilation, puis à l’intégration, à la communauté.
Le corps à corps de l’indigène avec sa culture est une opération trop solennelle, trop abrupte, pour tolérer une quelconque faille. Nul néologisme ne peut masquer la nouvelle évidence : la plongée dans le gouffre du passé est condition et source de liberté.
La fin logique de cette volonté de lutte est la libération totale du territoire national. Afin de réaliser cette libération l’infériorisé met en jeu toutes ses ressources, toutes ses acquisitions, les anciennes et les nouvelles, les siennes et celles de l’occupant.
La lutte est d’emblée totale, absolue. Mais alors, on ne voit guère apparaître de racisme.
Au moment d’imposer sa domination, pour justifier l’esclavage, l’oppresseur avait fait appel à des argumentations scientifiques. Ici rien de pareil.
Un peuple qui entreprend une lutte de libération, légitime rarement le racisme. Même au cours des périodes aiguës de lutte armée insur-rectionnelle on n’assiste jamais à la prise en masse de justifications biologiques.
La lutte de l’infériorisé se situe à un niveau nettement plus humain. Les perspectives sont radicalement nouvelles. C’est l’opposition désor-mais classique des luttes de conquête et de libération.
En cours de lutte la nation dominatrice essaie de rééditer des ar-guments racistes mais l’élaboration du racisme se révèle de plus en plus inefficace. On parle de fanatisme, d’attitudes primitives en face de la mort mais encore une fois, le mécanisme désormais effondré, ne répond plus. Les anciens immobiles, les lâches constitutionnels, les peureux, les infériorises de toujours s’arc-boutent et émergent héris-sés.
L’occupant ne comprends plus.
La fin du racisme commence avec une soudaine incompréhension.
[51]
La culture spasmée et rigide de l’occupant, libérée s’ouvre enfin à la culture du peuple devenu réellement frère. Les deux cultures peuvent s’affronter, s’enrichir.
En conclusion, l’universalité réside dans cette décision de prise en charge du relativisme réciproque de cultures différentes une fois ex-clu irréversiblement le statut colonial.

■ある種の文化の価値が、他の文化の規範として一方的に 宣言されることがあるが、この種の価値の規範性について 考察することは注目に値するものである。その際、すぐに も直面する逆説の一つは、自己中心的・社会中心的な定義 がもつ反動効果の存在である。
■まず文化をもたぬ人間集団の存在が確認される。次いで、 ヒエラルヒー化された諸文化の存在。最後に文化の相対性 という理念。
■全面的否定から個別特殊的な承認へ。文化人類学の次元 で述べねばならないのは、まさしくこの分断された血なま ぐさい歴史である。
■一定地域内で、一定の人々によって体験されたある種の 制度群が存在するとする。そしてこの地域がある時期に異 質な文化による直接的で激烈な攻撃を受けたとしよう。こ のようにして出現した〔異質な〕社会集団の全般的に高度 な技術の発展は、この集団にその地域での組織的な支配を 可能にする。つまり文化破壊の企ては、経済的かつ生物学 的隷属を強いる一層巨大な作用の、陰画として現われるの である。
■文化のヒエラルヒー論は、したがって、執念深く追求さ れた組織的ヒエラルヒー化の一様式にすぎない。
■植民地人民が大脳皮質の統合を欠くという近代学説は、 この理論の解剖生理学的側面である。人種主義の出現は、 根本的な決定要因ではない。人種主義は一個の全体ではな く、それは、一っの構造体がもつ最も目立つ、最も日常的 な、一言で言えば、ある時期には最もわかりやすい要素な のである。
■人種主義と文化の関係を調べることは、その相互作用を 問題にすることである。文化を、人間と自然、人間と人間 の出会いから生れた身体的、精神的な行動様式の総体とす るなら、人種主義は、まさに文化的要素であると言わねば ならない。したがって、人種主義を伴う文化と人種主義を 伴わない文化があることになる。
■この限定された文化要素は、しかしながら、被包化しな かった。人種主義はその性質を固定できなかった。新たな 姿をとり、色合いを変え、様相を変えねばならなかった。 人種主義は、おのれをかたちづくる文化全体の、運命を引 受けねばならなかったのだ。
■通俗的で、素朴で、一面的な人種主義は、福音書が不十 分だとわかると、生物学のなかにその教義の具体的な基盤 があると主張した。当時払われた努力の数々を思い出すの は退屈でつまらぬことであろう。頭蓋骨の形態比較、脳の 容量と脳溝の形状、皮膚細胞層の特徴、椎骨の大きさ、顕 微鏡でみた皮膚の状態、等々。
■知的、感情的原始性が、存在様式の当然の帰結、確認と して主張されるのが常だった。
■このように乱暴で、無限に繰り返される断定は、さらに 厳密な議論に場を譲ることになる。しかしながら、あちこ ちにその名残りが現われる。こうしたわけで《黒人の情緒 不安》、《アラプ人の大脳皮質下の統合》《ユダヤ人になか ば特有の有罪性》といったテーマが、何人かの現代作家の うちに認められることになる。たとえば、世界保健機構助 成金によるJ・カローザーズの論文は、《科学的根拠》を もとに、アフリカ黒人には生理学的前頭葉切断の事実があ ると報告している。
■とはいえ、こうした解剖学的後遺症論の立場は現在よう やく消えつつある。合理的で、個人的で、遺伝子型であり 現象型であろうとしたこの人種主義は、今や文化上の人種 主義に変貌しつつある。人種主義の対象はもはや個別的人 間ではなく、一種の存在形態である。あげくの果てには、 使命とか文化の型が語られるようになる。こうして、《西 欧の価値》ぱ、おかしなことだが、かの有名な《新月旗に 対する十字架》の戦い〔町畔軍〕への呼びかけに、再せられていく。
■たしかに、形態論的方程式が完全に消滅したわけではな い。が、ここ三十年間のさまざまな事件が、断乎たる確信 チェス・ポード をゆさぶり、将棋盤を混乱させ、多くの関係を構成し直 してしまった。
■ナチスの思い出、様々の人間たちに共通の悲惨、重要な 社会集団の等しい隷属化、《植民地ヨーロッパ》の出現、 つまり、ヨーロッパの真只中に植民地制度が確立したこと、 植民地建設国、人種主義国の労働者たちの自覚、技術の発 展、こうしたことすべてが、問題の様相を根本的に変えて しまった。
■われわれは、今、文化の次元で、この人種主義のもたら した結果を追求すべきである。
■すでに考察したように、人種主義は、さらに大きな総体 の一、要素にすぎない。一民族の組織的な抑圧の一要素であ る。では、抑圧する側の人間はどのように行動するだろう か。ここでそのいくつかの恒常的な型を見てみよう。
■人々は、まず、文化的価値、生活様式の破壊に立ち会う ことになる。言葉、衣服、技術の価値が貶められる。この コンスタントな過程はどのように説明すべきなのか。心の 動きによってあらゆる事象を説明しようとする心理学者た ちは、この行動様式を、個人的関係の次元にも見出せる、 と主張する。一風変った帽子や、話し方、歩き方の批評等 等に。
■このような試みは、植民地状況の類例のない特徴を故意 に見落すことになる。事実、植民地戦争を企てる国々は、 文化を対決させようとは考えていない。戦争は巨大な商売 であり、あらゆる視点がこの目的に収束しなければならな いのだ。それゆえ、原住民の奴隷化は、その最も厳密な意 味において、なによりも必要なことだ。
■そのためには、彼らの規範となる体系が破壊されなけれ ばならない。土地収奪、財産剥奪、集団強奪、見せしめ殺 人が、文化システムの破壊と同時に遂行される。少くとも こうした文化破壊の条件を準備する。社会生活の枠組の構 造が破壊され、価値観も否定、蹂躙され、中身を抜かれて しまう。
■かくて、抵抗の力線は崩壊し、社会ぱ統一性を喪失する。 面と向って新たな総体が押しつけられる。それは提案され るのではなく断定され、大砲とサーベルの全重量をかけて のしかかってくる。
■植民地体制の確立は、にもかかわらず、土着文化の死を 誘引しない。逆に、歴史を考察してみれば、その求める目 的が既存の文化の完全な消滅ではなく、その終りなき苦悶 であることがわかる。かつては生彩があり、未来に向って 開いていたこの文化は、閉ざされ、植民地状況の中で動き を失い、抑圧の首枷をはめられる。現存すると同時にミイ ラ化されたこの文化は、その成員に不利な証言をする。異 議申立て不可能なやり方で成員を定義するのだ。文化のミ イラ化は、個人の思考をミイラ化させる。誰しもが指摘す る植民地人民の無気力は、こうしたやり口の論理的帰結に すぎない。《土着民》に向けてその無気力をつねに非難する ことは欺職の極である。それは、自己を認める文化、その 文化を引き受ける自己、こうした関係にある文化の枠外に あっても人間の進歩が可能であるかのように言うことである。
■このようにして、抑圧者の監視下で機能する時代おくれ の無気力な機関、かつては実り豊かであった制度を漫画的 に模倣した機関の設立に立会うことになる……。
■これらの機関は、伝統や文化的特性の尊重、隷属民族の 個性の尊重を公然と表明する。このみせかけの尊重は、最 も一貫した軽蔑と最も念入りなサディズムと事実上一体で ある。一文化の特徴は、外に開かれた、自発的で、高貴で、 実り豊かな力線がはりめぐらされていることである。した がって、ある種の身振りの実行を委任された《信用のおけ る人々》の配置は、誰も欺くことができない職着である。 それゆえ、フランス当局によって任命された、たとえばカ ビリアの村落の代表たちは土着民に承認されない。この代 表たちは、民主的に選ばれた別の代表と重複することにな る。もちろん多くの場合、後者が前者に命令を下す。
■というわけで、《土着民文化を尊重》しようとする配慮 はたえず認められるが、それは、その文化によってもたら され、人間によって体現された価値の尊重を意味するもの ではない。むしろ逆に、このやり口には、事物化し、カプ セル化し、閉じ込め、被包化してしまおうとする意図がみ てとれるのだ。《連中のことは知っている》、《奴らはそう したものなのだ》、といったきまり文句は、この事物化の最 高に成功した例を表わしている。つまり、連中を定義する 身振りや思考を、私は知っている、というわけだ。
■異郷趣味はこの単純化の一形態である。こうなると、い かなる文化の対決も存在しえなくなる。一方には、ダイナ ミックで、自由に発展する、意味深い価値が認められるひ とつの文化がある。止まることのない、たえず更新される 文化がある。それと向いあって、特異さ、珍らしさが、つ まり事物が存在し、構造はけっして存在することがない。
■このようにして、最初の段階で、占領者は支配を確立し、 一挙に自己の優越性を確認する。軍事的にも経済的にも隷 属化された社会集団は、多次元的なやり方で人間性を剥奪 される。
■搾取、拷問、掠奪、人種主義、集団粛清、合理的抑圧、 原住民を文字通り占領国の手の中の事物とするため、これ らの手段が様々な次元で交互に用いられる。
■この人間ー物体は、生存手段も存在理由も持たず、 実体の最深部で引き裂かれている。生きる望み、生存し続 ける望みはしだいに不明確になり、しだいに朦朧としたも のになる。有名な有罪コンプレックスが現われるのはこの 段階においてである。ライトは、初期の小説中、この状態 をきわめて詳細に叙述している。
■しかしながら、徐々にではあるが、生産技術が進歩し、 隷属国があるていど工業化され、しだいに協力者の存在が 必要になってくると、占領者は新たな態度をとらざるをえ なくなる。生産手段が複雑になり、経済関係が進展すると、 好むと好まざるとにかかわらず、イデオロギーの進展を促 し、制度の均衡を破るようになる。生物学的形態に基づく 通俗的な人種主義は、人間の手足の、乱暴な搾取の時代に 対応する。生産手段の高度化は、人間の搾取技術の隠蔽、 つまりは人種主義形態の隠蔽を必然的にひき起すのだ。
■だから、人種主義がその激しさを失うのは、精神の進歩 の結果ではない。人種主義が、ニュアンスを持ち、変らざ るをえなくなったのは、いかなる内面の革命によるもので もない。抑圧と人種主義のため、余儀なく落ち込んでいた 催眠状態を繰り返し揺り動かすことを通じて、はじめて人 間が、至るところで、解放されるのだ。
■《文明国》内部でも、労働者たちは、制度の基盤である 人間の搾取が、様々の仮面をつけていることをついに発見 する。この段階では人種主義が化粧なしで表面に現われる ことはない。人種主義はおのれ自身を否認するのだ。そし て、人種主義者が身を隠さなければならない状況がますま す増えていく。かつて連中を《感じ》、《見抜く》と主張し ていた者が、今度は逆に、狙われ、見つめられ、裁かれて いる自分に気づく。だから、人種主義者の思惑は、やまし き心につきまとわれた思惑である。ある種の精神病にみら れるような情動的行為によってしか、彼は救われない。こ の情動錯乱の徴候学を確定したことは、バルーク教授の少 なからぬ功績である。
■人種主義は、一集団の文化をその奥深くまで探求するう ち、偶然に発見され、余分につけ加えられた一要素では決 してない。社会構成、文化の総体は、人種主義の存在によ って根本的に修正される。
■人種主義は人類の傷口であると、しばしば言われる。し かし、こうしたことばに満足すべきではない。社会事象の あらゆる次元で、人種主義の影響をたゆまず究明すべきで ある。現代アメリカ文学における人種問題の重要性は意味 深い。映画におけるニグロ、ニグロと民謡、ユダヤ人と童 話、酒場のユダヤ人、これらは汲めども尽きぬテーマであ る。
■アメリカについて言うなら、人種主義はアメリカ文化に つきまとい、アメリカ文化を損なっている。そしてこの弁 証法的に増殖する癌は、人種主義の対象になっている数百 万の黒人とユダヤ人の、自覚と闘争意欲を前に、苛立って いる。
■この情動的で非合理的な、弁明を伴わない段階は、調べ てみると恐しい様相を呈していることがわかる。社会グル ープの移動や、いくつかの地域における以前は劣等視され ていた人間の解放が、均衡をしだいに不安定なものにする。 これは、かなり意想外のことだが、人種主義者のグループ が被抑圧者のもとに人種主義を見出し、それを告発する事 態さえ起こる。搾取時代の《知的原始性》は、解放時代に なると《中世的な、さらに前史的なファナティズム》にと って代られる。
■ある時期、人々は人種主義の消滅を信じることができた。 このおめでたい、反現実的印象は、たんに搾取形態が進展 した結果にすぎなかった。こういう場合には、偏見が無意 識化したと心理学者は語るものだ。事実ぱ、体制の厳しさ ゆえに、優越感を日常的に確認するのが余分なことになっ たのだ。様々な次元で原住民の参加と協力を要請する必要 があるので、人間関係が荒っぽくない方向、一層ニュアン スを含んだ、《洗練された》方向へと修正されるのである。 それに、この段階においては、《民主的で人間的な》イデ オロギーが現われるのも稀なことではない。奴隷化と文化 破壊の商業的企ては、しだいに言葉による職着にとって代 られる。
■この変化が興味深いのは、人種主義が、瞑想のテーマに なり、ある時は広告技術としてさえとりあげられることで
■かくして、《黒人奴隷の哀歌》ブルースは、抑圧者の讃 美に供せられる。搾取者と人種主義者の責任とされるのは、 様式化されたわずかばかりの抑圧である。抑圧も人種主義 も存在しなければ、ブルースは存在しないというわけだ。 人種主義の終焉は、偉大な黒人音楽の弔鐘となるだろう、
■あまりにも有名な、かのトインビーなら言うだろうが、 ブルースは抑圧に対する奴隷の解答である。現在もなお、 多くの人々、有色人種にとってさえ、アームストロングの 音楽はこのような視角においてしか真の意味を持たない。
■人種主義は、それを実践している文化の姿を誇張し、変 容させる。文学、造形美術、女エ向けのシャンソン、格言、 習慣、きまり文句、これらは、人種主義を非難するつもり であろうと、通俗化するつもりであろうと、人種主義を復 権させる。つまり、一社会グルー。フ、一っの国、一っの文 明は、無意識に人種主義者ではありえないということであ る。
■再び言おう人種主義は偶発的な発見ではない。隠され 目立たない一要素ではない。人種主義を明るみに出す のに超人的な努力など必要ない。
■人種主義は明白である。それは他でもない、特徴ある一 つの総体の一部だからである。つまり、高度な技術発展の 段階に到達した―つの人間集団が、他の人間集団を破廉恥 にも搾取することを特徴とする一っの全体状況の一部だか らである。それゆえ、軍事的経済的抑圧が、たいていの場 合、人種主義に先行し、人種主義を可能にし、それを正当 化するのだ。
■人種主義を精神の一傾向とみなしたり、心理的欠陥とみ なしたりする習慣は、放棄されるべきである。
■ところで、この人種主義の対象となる人間、奴隷化され 搾取され、実体を奪われた社会集団、彼らはどのように振 舞うであろうか。彼らの防御メカニズムはいかなるもので あろうか。
■どのような態度が、ここで見出せるのであろうか。
■最初の段階では、占領者は自己の支配を科学的論拠によ って正当化し、《劣等種属》は、種属としての自己を否認す るのが見られる。別の解決方法がまったく残されていない から、人種的に差別された社会集団は、抑圧者を模倣し、 そうすることにより自己の種属から脱出しようと試みる。 《劣等種属》は異種属としての自己を否認する。そして、 《優等種属》の信念、教義、その他の属性を共有しようと する。
■自分たちの規範システムの抹殺、自分たちの文化様式の 崩壊を目撃した原住民には、もはや占領者と共に《神は自 分の味方ではない》と認めることしかできない。抑圧者の 権威ぱ、あらゆる面でその恐しい威力をふるうため、つい には、原住民に対し新たな物の見方を押しつけるにいたる。 特に、原住民固有の生存形態に対して、侮蔑的な意見を押 しつける。 ■ふつう疎外と呼ばれるこの事態は、もちろん非常に重要 だ。公式文書の中で、それは同化という名の下に見出され る。 ■さて、この疎外は決して完全には成功しない。抑圧者が、 量的にも質的にもその発展に限界をもうけるという理由か ら、予期せぬ、異質な現象が現われるのだ。
■推論の避けることのできない結果として、劣等視されて いる集団は、自分たちの不幸の直接の原因が、自分たちの 種的文化的な特異性にあると認めてしまっていた。
■有罪感と劣等感、これがこの弁証法の通常の結果である。 そうなると、被抑圧者は、一方では新たな文化形態を全面 的、無条件に受け入れると宣言し、他方自分自身の文化形 態を過去のものとして最終的に葬り去ることによって、有 罪感と劣等感から逃れようとする。
■しかしながら、ある時点で抑圧者が搾取形態を隠蔽しな ければならないという必要があるとしても、それが搾取そ のものの消滅をもたらすことにはならない。一層念入りに 仕組まれた、荒っぽくない経済関係は、日常的隠蔽を必要 とするが、この段階で疎外ぱ依然甚大なままである。
■自己の文化形態、言語、食生活、性生活、座り方、休み 方、笑い方、気晴しの仕方、これらすべてを裁き、非難し、 放棄した被抑圧者は、難船した人間が発揮するようなエネ ルギーと執拗さで、押しつけられた文化にとびかかる。
■被抑圧者は、一段と改良された機械に接して技術的な知 識を拡げ、工業生産物のダイナミックな流通機構に入り込 む。資本の集中とそれに伴う職場の集中化を背景として遠 隔地から集まってきた人間と接触する。流れ作業や作業班、 生産《時間》、つまり時間当り生産性といったことを新た に知る。こうしたことを通じて、彼らは、人種主義や軽蔑 が自分たちに向けられ続けていることを言語道断なことと 見なすようになる。
■この局面では、人種主義は個々人の問題として扱われて いる。《手のつけられない人種主義者はそりやあいくらか いますよ、でもね、全体としては、好意をもっていること は認めなさいよ……》
■こうした差別はすべて時がたてばなくなるでしょう。
■この国では差別が最も少ない……。
■国連には人種主義と闘うための委員会が存在する。
■人種主義に関する映画、詩、
■人種主義に対するこれ見よがしの、なんの役にもたたな い非難。だが、やはり植民地国は人種差別国なのだ。イギ リス、ベルギー、フランスは、民主主義の原理を肯定してい る。が、それにもかかわらず依然人種主義者が存在するの は、国全体よりもこれら人種主義者の方が論理的だからだ。
■人間を奴隷化するには、論理一貫してその人間を劣等視 しなければならない。そして、人種主義は、この劣等視の 感情的、情緒的な、時には知的なあらわれにすぎないので ある。
■人種主義を伴う文化内部に人種主義者が存在するのは、 それゆえ当然のことである。人種主義者のもとでは、経済 的関係とイデオロギーは完全に一致している。たしかに、 人が人間について抱く観念は、決してすべてが経済関係に 依拠しているわけではない。つまり、忘れてはいけないが、 人間と集団の間に存在する歴史的、地理的関係に、すべて 依拠しているわけではないのだ。人種主義社会に属する人 人のうち、しだいに多くの人々が立場を明確にする。その 人々は、人種主義が不可能であるような世界を建設するた め、生命をかける。が、このように距離をおいて全体を眺 め、抽象的な思考をめぐらし、公然と決意を表明すること は、誰にでもできることではない。一人の人間に、《その 人の属する集団の偏見》に抗するよう要求すれば、損害を 伴わざるをえないのだ。
■さて、再び言っておきたいが、 それに 植民地主義者の集団はい かなるものでも人種主義を含むのだ。
■《文化の強制受容》を強いられ、同時に、文化を奪われ ている被抑圧者は、人種主義にぶつかり続ける。彼はこの 遺物を非論理的なものだと考える。説明のつかぬ、彼がす でに乗り越えた、理由のない、不正確なものだと考える。 彼の知識、精密で複雑な技術の取得、時には多くの人種主 義者に対しての知的優越感、こうしたものによって、彼は 人種主義社会を情動的なものであるとみなすに至る。彼は、 人種主義の空気が社会生活のあらゆる事象に滲透している ことに気づく。すると、重苦しい不正を非常に強く感じる ようになる。結果としての人種主義を忘れ、原因としての 人種主義を猛烈に攻撃する。解毒運動が開始される。人間 性や、愛、至高価値の尊重に訴える……。
■事実は、人種主義が一貫した論理に従っていることだ。 他国の人民を搾取することによって生活の資を得、それに よって生存している国は、これらの人民を劣等視する。人 種主義がこれらの人民に適用されるのは当然のことなので ある。
■人種主義は、それゆえ、人間の恒常的要素ではない。 すでに述べたように、人種主義は、一定の社会体制に書 き記された傾向なのだ。そして、ユダヤ人差別は黒人差別 と異なることはない。ひとつの社会は、人種主義を含むか 含まないかのどちらかである。人種主義に段階は存在しな い。ある国は人種主義国だが、そこには私刑や強制収容所 がないなどと言ってはならない。真実は、こうしたことも 他の事がらも同じ地平に存在するのだ。こうした潜在性の 事象は、心理I 感情生活、経済生活等の中に入り込み、活 発に徘徊している。
■自己の疎外のむなしさ、掠奪の深化に気づいた劣等〔視 されている〕民族〔inferiorise〕は、文化強制、異邦人化 の段階を経た後、最初の立場を再発見する。
■放棄し、離脱し、拒否し、軽蔑したこの文化に、劣等民 族は情熱的に参加する。これは心理的には許しを希う気持 に類似しているが、この文化に対して明らかに実質以上の 価値を与えようとする心の動きが存在する。
■しかしながら、この単純な分析の背後にぱ、ひとつの真理が期せず して出現するのを感ずる、劣等民族の直感が断乎としてあ る。この心理的な来歴は〈歴史〉と〈真理〉 のだ。 に通ずる
■劣等民族が、かつて価値を貶められた文化形態を再発見 するのだから、これは文化の学習という現象を出現させる。 文化なるもののこのようなカリカチュアに、もし多少とも 意味があるとすれば、それは文化は生きられるべきもので あり、決して断片化されてはならないということである。 文化は大根のように薄切りにできるものではない。
■しかしながら、被抑圧者は、一っの発見をするたびに、わ れを忘れる。感嘆の連続である。かつて自己の文化から亡 命した原住民は、今やそれを熱烈に追求する。絶えざる結 婚である。かつて劣等視された人間が恩寵状態を享受する。
■ところで、支配を受ければ必ずその影響を受けるもので ある。奴隷化された民族の文化は、形骸化し、死に瀕する。 どんな生命も通わない。より正確に言うならば、唯一存在 する生命は隠されているのである。通常、あちこちで断片 ダイナミクス 的な生命を引き受け、制度のもつ意味深い推進力を保持し ている住民は、無名の住民である。植民地制度の下では、 それは伝統主義者なのだ。
■かつての亡命者ぱ、自分の行動を突如裏返しすることに よってスキャンダルを持ちこむ。伝統主義者の匿名性に対 し、熱烈で攻撃的な露出主義を対置する。
■恩寵状態と攻撃性は、この段階で再び見出される二つの 恒常的特徴である。なぜ攻撃性かといえば、それは、この 攻撃性という情動のメカニズムが、彼の行動のもつ逆説的 性格を解毒してくれるからである。
■かつての亡命者は精度の高い技術を有し、彼の行動水準 はすでに複雑な関係の枠内に位置しているのだから、これ らの再発見ぱ非合理的な側面を含んでいる。知的発展、技 術取得、高度に区分された思考論理様式、これらと、《単 純、純粋》等々の感情的基盤の間には、ある溝、ある距離 が存在する。
■文化を奪われた者は、伝統を再発見し、それを防御メカ ニズムとして、純粋さの象徴として、救済として生きる。 しかしながら同時に彼はその媒介物〔伝統〕が実体化する ことによって復讐されるという印象を残す。技術進歩とは 関係のない古い立場へのこの後退ぱ逆説的である。このよ うにして価値を与えられた制度は、すでに獲得された精密 な行動方法には、もはや対応しないのだ。
■外国による支配以来、力。フセル化し、植物的になってい る文化に再び価値が与えられる。その文化は、内部から再 考されたわけでも、取り戻され活性化されたわけでもない。 それは騒々しく要求された。そして、形もなく、言葉だけ の、この突然の価値付与は、逆説的な態度を含んでいる。
■劣等民族の手におえぬ性格について言及されるのは、こ の時である。アラプ人の医者は地面の上で寝、ところかま わず痰を吐く、等々·:·:0 黒人の知識人は、決断の前に、魔法使いにうかがいをた てる、等々……。
■《協力的な》知識人は、彼らの新たな態度を正当化しよ うとする。かつては否定され、黙殺された慣習や伝統、宗 教などが、乱暴に価値を与えられ、肯定される。
■伝統はもはやその集団から嘲笑されない。集団はもはや おのれから逃げない。人々は過去の意味、祖先崇拝等を再 発見する。
■過去は、以後価値の星座になり、〈真理〉と同一視される ことになる。
■この再発見、ほとんど現実ばなれした、客観的には正当 化しようのない、このような絶対的価値づけは、 かかわらず比類のない主観的な重要性を含んでいる。 情熱的な結婚状態を脱して、原住民は《原因を知ることに よって》、人間の搾取と疎外のあらゆる形態と闘う決心を するであろう。逆に、占領者は、この時期に、同化への呼 びかけ、それから統合と共同体への呼びかけを増大する。
■原住民の自己の文化との格闘は、あまりにも厳粛で、あ まりにも脈絡を欠いているので、いかなる断層も許容しな い。いかなる造語も、新たな真実を隠蔽することはできな い。過去の深淵に身を投げることが、自由の条件となり、 源泉となる。 それにも
■この闘争が当然の目的とするのぱ、国土の全面的解放で ある。この解放を実現するために、劣等民族は、あらゆる 財産、取得物、古きも新しきも、彼のものも、占領者のも のも、すべてを危険にさらす。
■闘いは、一挙に、全面的、絶対的となる。だが、その時、 人種主義が出現することはほとんどない。
■抑圧者は支配を強要しようとした時、奴隷制度を正当化 するため科学的論拠に訴えた。ここでは、そのようなこと は全くない。
■解放闘争を企てる人民が、人種主義を正当化することは、 ほとんどない。武装反乱闘争の激烈な時期でさえ、生物学 的な正当化が大衆的に行われることは決して見られない。
■劣等民族の闘争ぱ、明らかに一段と人間的な次元に位置 をしめている。展望は徹底的に新しい。それは、征服戦争 と解放闘争との、以後典型となる対立である。
■闘争の過程で、支配国は人種に関する議論を再編しよう とする。が、人種主義の論理化は効果のないものであるこ とがしだいに明瞭になる。狂信的な行動や、死に対する原 始的な態度について人は語るが、ここでもまた、すでに崩 壊したメカニズムは、もはや反応しない。かつて動こうと しなかった者たち、立憲主義の臆病者たち、不精者たち、 常に劣等視されていたものたちが、足をふんばって立ち、 髪を逆立て、ぞくぞくと現われる。
■占領者はもはや理解できない。
■人種主義の終焉は、突然の了解不能とともに始まる。 占領者の、痙攣し硬直した文化が、真実兄弟となった人 民の文化に向って、ついに開かれ、解放されるのだ。二つ の文化は相互に対決し、内容を豊かにしあうことが可能に なる。
■結論を言えば、植民地制度が不可逆的に排除された後、異なる文化相互が相対的立場を引き受けるこのような決意、ここにこそ普遍的価値が存在する
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